Nous vous invitons à lire et écouter l’émission « Le petit salon » sur France culture qui nous fait part de ses réactions suite à notre « Lettre ouverte aux intellectuel(le)s de la politique,de la presse et monde culturel ».
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Il y a quelques semaines, Médiapart relayait la tribune de l’équipe du théâtre de Stains, accusant les politiques et les intellectuels de saper le travail des institutions culturelles en banlieue.
On parlait de ce que la pièce de Mnouchkine disait de caractère éminemment politique du lieu théâtral, ce sont des enjeux en effet cruciaux, et chaque crise ou élection donne lieu à des remous et à des réflexions dans les théâtres publics français. Nous sommes en fin d’année, à l’orée d’une année électorale, et on commence à entendre les institutions culturelles. La revue La Scène, qui est le magazine des professionnels du spectacle vient de faire paraître un nouveau numéro dans lequel on peut trouver une table ronde intitulée “qu’espérez-vous de la présidentielle?”, une rencontre dialoguée entre trois représentants du spectacle vivant, Laurent Dupont, directeur de la compagnie ACTA à Villiers-le-Bel, Eric Paris, qui dirige le Deux-pièces-cuisine au Blanc Mesnil et enfin Bruno Lobé qui dirige le Manège scène nationale de Reims. Ils font part de leur inquiétude quant aux reconfigurations territoriales, notamment la refonte des régions, la perspective du Grand Paris, et l’entente parfois difficile entre collectivités territoriales dont on se fait d’ailleurs régulièrement écho ici. Une inquiétude aussi par rapport aux priorités données par l’Etat dans le budget attribué à la culture, qui tend à privilégier le patrimoine, les pratiques amateurs ou les pratiques en milieu scolaire plutôt que la création. Ils plaident tous les trois pour une augmentation du budget de la culture, et surtout on les sent en manque de considération, clairement une grande attente sur la reconnaissance de leurs métiers, de l’utilité publique de leur travail.
Parmi ces trois personnes interrogées, ce n’est probablement pas un hasard si deux travaillent en banlieue parisienne, en l’occurrence dans des villes difficiles, Villiers-le-Bel et le Blanc Mesnil. Or dans le même numéro de la Scène, on peut aussi lire un article intitulé l’abandon de la culture en banlieue, et qui se fait l’écho d’une tribune parue dans Mediapart il y a quelques semaines, on pourrait même dire un coup de colère et un appel à l’aide signé par l’équipe du Studio Théâtre de Stains. Le théâtre de Stains qui se décrit comme un des plus impécunieux de la Seine Saint Denis et revendique une pratique artistique de proximité. Je cite “c’est dans des villes de banlieue que naissent les troubles sociaux provoqués par la carence dévastatrice de ces trente dernières années dans l’éducation, la culture, et l’absence de mixité sociale aggravée par l’aménagement de zones: au lieu d’intégrer, on sépare; au lieu de valoriser on stigmatise; ce ne sont pas les jeunes qui sont en décrochage, mais le monde politique et culturel”. Le monde politique ET culturel, pour le coup la tribune n’en appelle pas seulement à l’Etat ou aux collectivités mais au monde intellectuel français dans son ensemble, qui aurait tendance à éluder le rôle positif des institutions culturelles, et notamment des théâtres dans le banlieue. La tribune cite notamment l’exemple d’un critique du Monde qui aurait refusé de se déplacer en banlieue pour voir un spectacle. Je cite “cette dévalorisation, c’est votre opération de sape, messieurs les intellectuels. On peut la résumer dans cette réponse lapidaire, à notre invitation à venir voir une création au Studio-Théâtre, d’un critique dramatique du journal de référence, Le Monde: « Paris oui, Stains non. Vous pourfendez à longueur de colonne les inégalités, en donnant des solutions pour colmater la fracture sociale, et, dans les colonnes voisines, les contempteurs créent la fracture culturelle.”
Intervenants
- Fabienne Pascaud
- Elisabeth Franck-Dumas : journaliste à Libération