Réponse à l’émission « ça se dispute » diffusée le 19.12.2016 sur France Culture
à écouter ici : https://www.franceculture.fr/emissions/le-petit-salon/faire-du-theatre-en-banlieue
Monsieur,
De nombreux auditeurs nous ayant signalé que dans votre émission du 19 décembre vous parliez du Studio-Théâtre de Stains, nous en avons pris connaissance, sur le tas, avec une curiosité engageante.
Nous étions entourés par un groupe de participants à nos ateliers créatifs et, à la fin, dans un profond silence, un jeune a exprimé son sentiment, sans colère, avec une profonde tristesse : « Pourquoi ils sont comme ça avec nous ? »
Son désarroi nous a plus affecté que votre dureté. Nous pouvons même dire qu’elle l’a éliminée. Ceci intervenait juste après le grave incident survenu au Musée d’Orsay où des lycéens stanois et leur professeur furent insultés par les agents d’accueil et dont la protestation du Lycée et de la Ville a contraint Madame Azoulay et le Musée à exprimer leurs regrets au maire de notre commune.
Malgré notre longue expérience de la violence de l’institution, que nous avons subie sous toutes ses formes, nous avouons que votre attitude nous plonge, nous et beaucoup d’autres, dans l‘insondable spirale de votre mépris.
Dans notre lettre ouverte aux intellectuels publiée sur notre site et dans Médiapart, et dont vous avez lus quelques passages, nous dénonçons, entre autres méfaits, un travail de sape pour tout ce qui se crée en dehors de votre sphère d‘influence. L’émission « ça se dispute » (entre vous) en était une parfaite illustration. Tous les travers dont souffre notre société étaient réunis : dénégation, dénigrement, rejet, a priori dû à l’effet de lieu, fracture du monde culturel et théâtral et social… Et vous vous employez à poursuivre cette désolante attitude, alors même que Fabienne Pascaud prône les «Etats généreux de la Culture ».
Vous nous reprochez de ne parler que de nos intérêts, alors que dans notre lettre ouverte nous affirmons clairement le but de notre action : Ainsi, selon le vœu de Montesquieu, dans le cercle enfin élargi, nous serons TOUS égaux en droits.
Y-a-t-il une tache plus urgente ?
Ce qui est surprenant de la part des participants de votre émission, – journalistes dont on ne conteste ni les compétences, ni le talent-, c’est que vous parlez du STS alors qu’aucun d’entre vous, depuis des décennies, n’a jamais vu une de nos créations. Pourtant nous n’avons jamais cessé de vous inviter pour vous éviter de gloser sur ce que vous ignorez. Vous justifiez les termes de notre lettre ouverte que vous fustigez.
Vous ne voulez y voir que de l’aigreur et de la jalousie, là où nous ne souhaitons qu’équité et éthique. Vous louez Ariane Mnouchkine car elle assume sa façon de penser et vous nous déniez ce droit. Non seulement vous répandez de fausses appréciations mais vous le faites avec une parfaite absence de retenue, allant vous même jusqu’à formuler d’une manière péremptoire et sans nous connaitre : «d’autres scènes sont nettement plus intéressantes ! » Nous voulons bien admettre que le ton de l’émission peut permettre certaines outrances mais sur des faits avérés, et non pas dans le champ clos des sophismes. C’est du moins notre conception du rôle d’un intellectuel(le).
Heureusement d’autres journalistes et critiques font le déplacement à Stains. Armelle Héliot écrivait : « le Studio-Théâtre de Stains est un lieu essentiel de création, de sensibilisation, un théâtre au coeur d’une ville, un théâtre qui a su faire grandir un public, intéresser des jeunes, faire du lien et de la cohésion sociale tout en étant un espace où de très beaux spectacles sont conçus et présentés par Marjorie Nakache et son équipe. » Gilles Costaz a « salué le Studio-Théâtre de Stains, un îlot de courage, d’invention et de cordialité dans une banlieue où l’on fait jouer plus la carte de l’action artistique et culturelle qu’on ne le croit dans les milieux embourgeoisés. «
Nous vous invitons à nouveau, à venir vérifier les dires de vos confrères car « la réconciliation commence peut-être là, dans ce lieu théâtral. Cette urgente réconciliation avec l’autre, que la paresse, la peur ou la méconnaissance du monde, des mondes, conduisent à toutes les formes d’exclusion ». (Pierre Notte)
Avec nos salutations.
L’équipe du Studio Théâtre de Stains