« Tous mes rêves partent
de Gare d’Austerlitz »
Lundi 22 mai 2017 à 19h
Maison des auteurs SACD
17 rue Ballu 75009 Paris
MON PARCOURS AVEC LE STUDIO THÉÂTRE DE STAINS
Si le théâtre oublie le Monde, le monde finira par oublier le théâtre.
Brecht
Je ne connaissais pas le Théâtre de Stains. Un jour, j’ai reçu un mail « J’aime votre écriture et j’aimerais travailler avec vous, signé Marjorie Nakache »… J’étais, je crois au Liban, j’ai répondu tout de suite. A mon retour j’ai pris le RER pour aller à Stains. La ville ne m’était pas inconnue j’ y avais fait des ateliers d’écriture avec une école primaire. Je suis arrivé à la Gare. J’ai pris le 150, j’ai traversé la rue principale avec ses boutiques halal et ses salons de thé et sa mélancolie à couper au couteau. L’église était alors en ruine. J’ai poussé la porte du théâtre. Je me suis retrouvé dans une grange aux murs blancs avec des fenêtres anciennes qui s’ouvrent sur le hall. Aux murs tapissés de livres sont accrochées des chaises, elles volent ! Et cette grande citation de Picasso « j’aimerais qu’on regarde les tableaux qui sont sous les tableaux ». Le hall s’ouvre sur un jardin qui donnait sur un terrain vague. Le Studio Théâtre fait penser à ce salon au fond d’un lac dont rêvait Rimbaud dans ses « Illuminations ».
J’ai rencontré alors Marjorie et Kamel qui animent, avec fougue, les lieux à la tête d’une très jeune équipe.
Marjorie m’a demandé de lui écrire une pièce sur un sujet que le théâtre aborde rarement, le racisme. On sait que l’agoraphobie des scènes institutionnelles les rend allergique au réel, qu’elles jugent trop trivial pour elles. Le sujet était périlleux, traiter un sujet pareil supposer écrire entre les gouttes, éviter les écueils de la morale et des bons sentiments. Montrer le racisme, non pas comme un fléau social, on le sait, mais aussi comme un instinct grégaire chez l’homme et qui résulte plus de la peur de soi que de l’autre. Le racisme naît quand l’homme se met à avoir peur de son ombre
Cela a donné « Babylon city » une fable joyeuse sur cette peur qui gangrène la cité aujourd’hui.
Au fil de mes passages et de mes ateliers au Studio théâtre de Stains, j’ai pu réaliser à quel point il incarnait « la place du village », une cour de récréation où les enfants jouent comme ils le feraient sur les parkings du clos Saint Lazare ou la place de la Mairie.
On y rencontre les mêmes gens croisés à la gare de Pierrefitte, ou dans le bus 150. C’est un lieu de la diversité concrète, et joyeuse où l’on peut découvrir, à un jet de pierres de Paris, que la Banlieue n’est pas une terre ni une langue étrangère, mais un univers, nébuleux certes, où tous les rêves sont permis.
Implanté dans une ville sinistrée, Stains, doté de moyens dérisoires, tenu à l’écart des scènes officielles, mais animé par une équipe frondeuse qui s’est donnée pour objectif d’ouvrir les yeux du public sur la réalité du Monde, le Studio Théâtre de Stains, invente, dans la discrétion, le théâtre de demain que nous rêvons à voix haute depuis tant d’années.
Mohamed Kacimi